Le Maroc compte 86 206 étrangers au Maroc . La présence qui s’amplifie, jour après jour, a poussé le pays à adopter une politique migratoire en 2013. Une opération de régularisation qui s’est clôturée par le lancement d’un champ d’intégration.
« Je ne sens pas que je dois fournir un effort pour que les étudiants, les professeurs ou la société m’acceptent. Mais peu importe à quel point ils m’acceptent, je reste toujours étrangère à leurs yeux» confie Sabrina Saleh Al-Jabarti, étudiante internationale à Rabat.
Sabrina, 23ans, est étudiante au cycle supérieur. Originaire d’Érythrée, ses parents ont migré vers l’Arabie Saoudite. C’est à Jeddah où elle a grandi et a passé ses années d’études primaires et secondaires. Elle décide de migrer à son tour vers le Maroc pour accomplir ses années d’études supérieures.
Qu’est-ce qui existe au Maroc?
Afin de répondre à cette question, il faut avoir un bilan détaillé qui reprend en chiffres ce qui a été réalisé et ce qui n’a pas été achevé. Cependant, aucun document qui décrit la politique migratoire n’est disponible.
Certes, le ministère a publié un guide de l’intégration en Janvier 2015. Un document de 55 pages en Français uniquement à structure académique. Au niveau de l’information, ce document est assez complet et détaillé. Il cite tous les droits d’un migrant au Maroc. En plus, il cite également les lois qui régissent les différents domaines. Ceci dit, ce document n’est pas médiatisé ce qui contredit en soi le principe d’un guide.
L’intégration, enjeux de la migration
Dès son arrivée à un pays, le migrant se voit face à cet examen qu’est l’intégration. Il doit comprendre la langue et la culture du pays-hôte. Mais, parfois, ces points « évidents » pour les nationaux ne le sont guère ainsi pour les migrants.
L’intégration « […] En sociologie et sciences politiques, c’est la « capacité d’un ensemble — quel qu’il soit — d’assurer sa cohésion en réunissant les différentes unités qui le composent autour de valeurs et de normes communes.»(HERMET et alii 1996)
« A l’école, je sens que je suis la bienvenue de la part de mes professeurs. Mais venue de l’Arabie Saoudite, il y a des personnes qui ne respectent pas la référence islamique suite à laquelle fonctionne le pays » a affirmé Sabrina Al-Jabarti, avant de continuer « Certains insistent de me faire sortir de ce cadre religieux, et ils insistent également sur le fait que je ne dois plus me référer à cela ».
Accepter la différence vient de soi pour certains. Alors que d’autres peuvent aller jusqu’à prendre action contre l’étranger. Sabrina se souvient « une fois, une professeure a commencé à mépriser la mentalité du pays d’où je viens (l’Arabie Saoudite) et donc à me mépriser, à mon tour, de façon indirecte ».
Les migrants, une masse menaçante?
Si dans un établissement d’enseignement supérieur l’action a pris forme d’une expression d’opinion mal placée, dans la rue il se peut qu’elle prenne une forme plus violente. La nuit du 24 novembre un affrontement violent a eu lieu entre marocains et subsahariens qui a nécessité l’intervention des autorités locales. Nos médias se sont contentés de repartager les photos de l’incendie et de l’arrivée de la police et des forces auxiliaires.
Ceci dit, ce n’est pas le nombre qui manque puisque le paysage médiatique marocain est assez large : 488 titres nationaux, plus de 10 chaînes de télévision publiques et près de trente stations de radio (source).
En effet le traitement médiatique de la migration fait défaut au Maroc. D’ailleurs, l’étude sur les médias en méditerranée a tiré les caractéristiques du traitement médiatique de la migration en 2015 au Maroc:
- La migration est un sujet invisible
- La migration est un sujet institutionnel
- La migration est un sujet de fait divers
- Les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile sont remarquablement absents de la presse écrite
- Présence du discours de la haine sur les réseaux sociaux.
Qui dit encadrement de l’opinion publique dit média. C’est à ce point où figure l’importance d’un traitement médiatique représentatif et non stigmatisant des minorités.
La différence est un sentiment dans les deux sens
Sabrina Al-Jabarti relève plusieurs différences entre le pays d’où elle vient et le pays où elle réside actuellement. Elle explique que « l’alimentation est différente, les habits, la vie, la façon de meubler les maisons, les rues. Une des choses que je vois plus intéressantes au Maroc qu’en Arabie Saoudite, c’est la richesse des coutumes et des traditions. Les Marocains y sont très attachés.»
Difficilement acceptée, cette différence provoque une gêne qui peut susciter une réaction négative. Cependant, l’étranger est catégorisé selon le pouvoir économique et le lien du pays d’accueil avec son pays d’origine. « Je n’ai pas été victime d’acte raciste de la part de mes collègues ou dans la rue. Je crois que ça revient au fait que je viens de l’Arabie Saoudite donc je reçois le même traitement que les saoudiens » nous explique Sabrina.
En lui demandant quelle différence trouve-t-elle entre le Maroc et son pays d’origine, Sabrina répond que tout diffère entre le royaume et l’Arabie Saoudite. « Il y a des points communs puisqu’ils sont tous les deux des pays arabes et musulmans mais les citoyens sont différents. Les saoudiens font plus de confiance l’un à l’autre. Ici (Maroc), c’est très rare que je trouve cela. Il est nécessaire d’avoir une contrepartie pour tout. »
Même en l’absence d’acte raciste, les préconçus et les stéréotypes sont toujours présents. Pour Sabrina « les gens collent aux saoudiens une idée comme quoi ils sont très riches et extrémistes religieusement. »
L’intégration au Maroc comme dans tout autre pays est basée entre autres sur le traitement des médias.
Il faut éviter « le sensationnalisme, l’exploitation des peurs de l’étranger, le stéréotype, l’émotion, la simplification et la généralisation, la complaisance et le silence » telle est la règle d’or reprise par Salahedine Lemaizi, journaliste spécialisé de la question migratoire au Maroc